Vers une réforme de la loi Spinetta et les principes de la garantie décennale

Près d’une décennie après son entrée en vigueur, la loi Spinetta crée la polémique comme quoi ses dispositifs ne sont plus adaptés aux besoins réels des constructeurs et également aux contraintes des assureurs en garantie décennale.

Les dispositions de la loi Spinetta

La loi Spinetta du 4 janvier 1978 institue une présomption de responsabilité pour une durée de dix ans aux constructeurs, maîtres d’ouvrage et autres acteurs dans le domaine de la construction. La loi Spinetta a rendu également obligatoire la souscription d’une assurance de garantie décennale. L’article L243-1-1 du Code des assurances confirme cette obligation d’assurance. Le manquement à cette obligation d’assurance est considéré comme un délit pénal et soumis à des sanctions très lourdes. La loi Spinetta prévoit également l’obligation de souscrire une assurance dommages-ouvrages pour tout maître d’ouvrage afin d’obtenir une indemnisation des dommages entrant dans le cadre de la garantie décennale.

Des ajustements utiles pour adapter la loi à la réalité

Les dispositions de la loi Spinetta engendrent une charge de sinistres élevée à l’assurance construction. Les assureurs n’ont qu’une faible marge de manœuvre et estiment qu’une réforme de la loi Spinetta est nécessaire. Les principes de la garantie décennale sont toujours appropriés aux situations actuelles dans le domaine de la construction, mais certains ajustements sont utiles pour se conformer à l’idée originelle de cette loi. Depuis 2018, les assureurs ont commencé ce travail visant à analyser la portée de la loi Spinetta et ses conséquences auprès des constructeurs et de leurs assureurs.

Création d’un groupe de travail sein de la FFA

Ces assureurs réunis au sein de la FFA ont créé un groupe de travail pour analyser les évolutions du risque et trouver les solutions adaptées. C’est notamment le cas des bâtiments connectés qui intègrent plusieurs éléments indissociables au bâti pour ne pas citer que les fenêtres connectées, les chaudières intelligentes ou encore le panneau photovoltaïque. Ces nouveaux éléments représentent souvent des problèmes sur la méthode de calcul actuariel. La raison est que ces matériels deviennent obsolètes plus rapidement, cinq ans en moyenne, que la durée même de la RC décennale. Les risques ont bel et bien évolué, le régime n’a pas évolué en conséquence.

Evolution des risques et augmentation du coût des sinistres

Le groupe de travail rapporte aussi une autre situation qui accroit sensiblement le coût des sinistres : la jurisprudence. En effet, c’est la décision de justice qui semble réglementer l’assurance construction alors que le régime est posé par la loi Spinetta. Du coup, les assureurs ne peuvent plus prévoir les responsabilités décennales de leurs clients ni le coût des sinistres en se basant sur les dispositions de cette loi. La décision de justice est prise au cas par cas, les interprétations de la responsabilité décennale et les dommages concernés peuvent donc changer tout le temps. Or, l’assurance RC décennale a besoin d’une stabilité étant donné que la couverture des risques porte sur une longue période après la réception des travaux.

Définition et portée de la garantie décennale

Rappelons que l’assurance décennale couvre le constructeur lorsque sa responsabilité est engagée dans les dommages ou les vices de construction affectant la solidité d’un ouvrage ou la rendant inhabitable ou impropre à sa destination. La garantie décennale peut également concerner les équipements indissociables de la construction. L’intérêt de souscrire une assurance en responsabilité civile décennale est de bénéficier d’une couverture pendant 10 ans après la réception des travaux pour la réparation des dommages relevant de la garantie décennale, sans devoir attendre une décision judiciaire.

Des propositions pour la réforme du Code civil

Le groupe de travail de la FFA a permis de développer des propositions, dont les premières concernent par exemple :

  • La réforme du Code civil pour permettre plus d’implication du maître d’ouvrage professionnel sur sa responsabilité civile,
  • L’exclusion de certains éléments d’équipements dissociables (panneau photovoltaïque, fenêtre connectée, chaudières intelligentes…) du régime de la garantie décennale,
  • La création d’un régime d’assurance comparable à l’actuelle « garantie de bon fonctionnement » sur la responsabilité des fabricants de matières premières des équipements dissociables à l’ouvrage (panneau photovoltaïque, colle, domotique…)
  • Et enfin le maintien de la jurisprudence sur la réception des chantiers sans le principe de la réception « par lot ».

Ces propositions ont été remises fin 2019 au Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE). Il s’agit d’un organisme consultatif composé de professionnels du BTP qui relève du ministère du Logement. Cette réforme devrait à terme profiter aux constructeurs avec une répercussion positive sur le montant de la prime d’assurance décennale.

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